
Certains me reprocheront de faire
une métaphore médicale abusive. J’en suis conscient et je l’assume. C’est parce
que je trouve la métaphore communicationnelle sur laquelle elle prend appui – celle de « désinformation »
– encore plus abusive. Désinformer, ce serait faire disparaitre de l’information d'un esprit.
En posant le diagnostic de dysinformation, au contraire, on reconnait le
processus d’information; on dit seulement que l’information est inexacte. Pas
besoin de blâmer : on n’a qu’à appliquer le traitement, soit d'informer mieux. Comme la prévention est
la meilleure guérison, on invite cependant les journalistes, soit les
professionnels de l’information, à contribuer à la diminution des récidives de la
maladie.
L’article à la base de cette lettre
ouverte, paru dans Le journal de Montréal
du 4 février 2019, titrait : « Encore des traitements d’électrochocs
pour soigner les problèmes de santé mentale ». Sans doute désireux de
surfer sur la vague de sympathie pour la maladie mentale récemment soulevée par
la Journée Bell Cause pour la cause, son auteur y présente un simple changement
administratif comme le retour d’une pratique barbare. L’Hôpital Notre-Dame, sur
une décision du chef de son département de psychiatrie, Dr Cédric
Andrès, a recommencé à administrer des traitements d’électroconvulsivothérapie
(ÉCT) à des patients atteints de trouble dépressif caractérisé réfractaire. Quand l’Hôpital Notre-Dame faisait partie du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), ses
patients les recevaient à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal
(IUSMM) qui, spécialisé en la matière, en voit faire environ 1600 annuellement.
Dre Valérie Tourjman, responsable d’une bonne partie de ces
traitements, explique : « Ça ne se passe pas comme dans le temps. Les
contractions musculaires sont limitées aux bras; le reste du corps est relaxé
par un calmant. »
Aucun changement de pratique, donc.
Seulement un transfert de lieu. Pourtant on y trouve l’occasion de laisser
planer l’impression d’une grande controverse. La directrice générale de
l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale
du Québec cite des anecdotes. Le porte-parole du Comité pare-chocs parle d’un
recours collectif qui a obligé un fabriquant étatsunien de machines à
électrochocs à inscrire dans la documentation qu’elles pouvaient causer des
lésions cérébrales. Désormais, on rappelle aussi sur les gobelets de café qu’on
peut se bruler en en buvant le contenu – sans que ce soit un argument contre le
café. Tout est question de calcul risques-bénéfices.
Une information juste devient de plus en plus le nerf de la
guerre en médecine. Il faut soutenir le mouvement d’autonomisation du patient,
qui veut comprendre lui-même et décider par lui-même. Ceci dit, il faut aussi en
réaliser les dangers et être prêt à les compenser. Pas en revenant à une
médecine paternaliste. Plutôt en se faisant diplomate pour le contredire
doucement lorsque nécessaire, lui expliquer ce qu’est un essai clinique
à répartition aléatoire, et pourquoi elle est plus fiable que l'étude de cas anecdotique pour choisir son
traitement. Et, à un niveau systémique, en guettant la dysinformation pour
intervenir contre elle.
Mes collègues et moi, futurs médecins, sommes plus
connectés que la génération précédente. Probablement plus conscients aussi –
merci, facultés de médecine! – de l’importance d’agir à large échelle pour
avoir un impact global plutôt que local sur la santé. Autrement dit :
journaux, nous vous lisons, nous vous évaluons, et nous sommes prêts à nous
manifester chaque fois que vous publierez quelque chose de dangereux pour nos
patients.
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